Le pied foulait le sol meuble des pelouses adjacentes aux terrains de quidditch d'un pas sûr et décidé. Le regard dans le vide, il ne semblait pas réellement savoir où il voulait aller, l'esprit en pleines turbulences.
Il s'était promis d'arrêter, lorsqu'il avait quitté les bancs de l'école. Pour sa santé. Parce que l'envie, et le geste, le déconcentrait quand il ne devait pas l'être. Mais alors, à force de voir tout l'Astronef le faire, il en avait à nouveau ressenti le besoin. Rien ne servait de lutter.
Il devait fumer.
Ce n'était plus une idée traversant ses pensées. C'était une obsession. Il avait bien essayé de se distraire. Partie de bavboules avec un camarade de dortoir. Nez dans les nuages avec Minsk. Même quelques moments d'études avec Skopje. Sortir s'aérer. Boire un peu de vodka dans son coin préféré. Mais rien n'y faisait. Il rêvait de porter à ses lèvres la douceur âcre qui calmerait ses nerfs. Créer ses propres nuages avec la fumée.
L'odeur lui titilla les narines avant qu'il ne puisse voir de qui il s'agissait. Il se dirigea dans cette direction, espérant que la personne serait assez généreuse pour lui en donner une. Au pire, il troquerait contre la vodka toujours présente dans sa flasque. Il reconnut des bouclettes et sourit. Cela ne pouvait être que Sherry. L'anglais aurait certainement de quoi fumer. Et il ne pourrait lui refuser, surtout pas après le cours de politique.
"She-" Allait-il l'apostropher, avant de se rendre compte de son erreur "Bonjour ? T'aurais pas une clope pour moi ?"
Le slave l'avait certainement déjà croisé en cours, sauf s'ils séchaient à tour de rôle. Ce qui n'était certainement pas impossible. Alors, comme il ne le connaissait pas réellement et qu'il avait furieusement envie de cette clope, comme si sa vie en dépendait, il afficha son sourire le plus charmeur avant d'agiter la flasque.
"Je peux échanger, si nécessaire. Alcool artisanal slave, tu risques de ne pas oublier le goût et de plus jamais rien boire d'autres."
Le bouclé sortit l'objet de convoitise et il se retint de lui sauter au cou. Il venait de lui sauver la vie. Ou du temps. Car s'il n'avait pas malencontreusement croisé sa route, il aurait cherché après Sherry pendant encore des heures. Peut-être aurait-il dû aller directement le chercher à la cabane. Mais en soi, il n'avait plus de raison d'y penser. Il prit une clope, la porta à ses lèvres et hésita quelque chose. Baguette ou briquet ? Ce dernier remporta la victoire. Il joua quelques temps avec. Cela faisait combien de temps qu'il n'en avait pas manipulé ? Joie enfantine dans les yeux. Il se rappelait ses premières clopes, crapotage garanti.
Premières bouffées. Un soupir de soulagement lui échappa. C'était stupide de se retenir, quand on vivrait de toute manière pas assez vieux pour mourir d'un cancer. Yeux clos. Il appréciait l'odeur qui s'en dégageait, le goût qui restait accroché aux lèvres. Certain de ne plus déranger, il prit place à ses côtés et déposa la flasque ouverte entre eux.
Étincelles dans les prunelles. Il sentait l'autre d'humeur taquine et ne releva pas la suggestion, le laissant mariner. Lui-même avait envie de jouer. Ce jeu du chat et de la souris. Ce jeu où il n'y aurait pas de perdants. Juste de l'amusement. Tester les limites. Pousser à craquer. Il n'était pas pressé de rentrer.
Pollux.Le pseudonyme roulait sur la langue. Mais surtout, cela révélait son origine. Raté. Ce n'était donc pas un des compatriotes de l'autre bouclé. Étoile différente des autres, celle-ci lui plaisait bien. Au sang aussi bouillant que les autres ? A voir.
"Odessa. Enchanté". Accent chantant. Les voyelles avaient le don exceptionnel de rendre l'accent slave roucoulant. Charmant, aux yeux de certains. "Je pense que je m'en souviendrais. J'ai une excuse pour venir plus souvent en cours. Ça me permettrait d'éviter de perdre 4 semaines."
Peu de subtilité. Il ne doutait pas que le brun comprendrait. Tu veux jouer ? Jouons. Tapotage des cendres. Il reportait la cigarette à ses lèvres, regard plongé sur Pollux. Relâchement dans les épaules. Il se sentait déjà plus détendu. Loin des tracas de l'Astronef. L'américain lui apportait une légèreté recherchée.
"Tu n'imagines même pas à quel point tu viens de me sauver la vie. Je te suis redevable. Éternellement." Pétillement dans les yeux, il attendait la surenchère. Les samedis après-midi pouvaient donc être agréables, dans ce purgatoire.
Sourire racoleur sur les lèvres qui pourrait devenir carnassier si l'américain continue de prononcer son pseudonyme comme cela. Les syllabes roulent sur sa langue, les voyelles semblent enflammer ses lèvres. Le slave regretterait presque l'anonymat qu'on leur a imposé. Il était sûr que son prénom prendrait des tournures pour le moins intéressantes dans la bouche du jeune homme. Surtout la longueur de la syllabe final. Et la dureté de la lettre finale. Le tout dans un murmure et Odessa se sentirait déjà quitter cette terre pour un bon moment. Un très bon moment.
Les lèvres s'étiraient alors que les autres se voulaient énigmatiques. Il s'amusait bien, lui aussi. Plus subtil. Il lui semblait presque demandeur. Et dire que l'ukrainien voulait simplement une clope. Le voilà en train de papillonner autour d'un américain. La rivalité entre leurs délégations était bien connue. Et les quelques membres qu'il avait pu côtoyer le laissait mitiger. Mais après tout, ils n'étaient pas responsable de leur délégation, tout deux. Odessa avait bien envie de les rapprocher. De lui prouver que les slaves n'étaient pas tous des monstres issus des plaines glacées de Sibérie. Qu'ils pouvaient avoir le sang chaud. Très chaud.
"Oh, l'éternité est pas si longue quand on sait comment s'occuper. Et à deux, c'est tout de suite plus facile."dit-il en débouchant la bouteille qu'il avait rapporté. Mais le sourire se voulait espiègle. Il doutait avoir été subtil un seul jour dans sa vie. Ce n'était certainement pas un de mots qui le définissait, dans son dossier.
"Mais d'abord, buvons." dit-il lui en tendant la flasque. L'alcool venait de chez lui, de la contrée natale. On associait trop souvent les slaves à la vodka, à raison sans doute. Il lui tendit sa flasque sans dire un mot de plus. Sans prévenir. L'horilka pouvait arracher la gorge, littéralement. Odessa affectionnait cette eau de vie pimentée. La brûlure dans la gorge l'avait maintes fois accompagnée dans sa jeunesse. On se sentait plus vivants. Les slaves et l'alcool fort, c'était loin d'être une légende.
Il le remercia d'un geste de la tête lorsqu'il lui récupéra le précieux liquide. Tête en arrière, il avala un gorgée respectable. C'était légèrement frimeur, ça dégageait surtout sa gorge. Il ne connaissait pas les goûts de l'objet de sa convoitise mais il connaissait les siens. Et ce genre d'images ne le laissait pas insensible. C'était sa nature d'artiste, il fonctionnait beaucoup par symbolisme. Pour lui, c'était l'image même d'un certain lâcher prise. Il se redressa et passa son pouce sur sa lèvre inférieur, comme pour récolter les dernières gouttes d'un précieux nectar, se plongeant dans l'azur de ses yeux.
Mais il aimait trainer. Changer de rythme. Faire languir. Alors, il revenait sur des discussions plus mondaines, plus classiques. Et puis, il n'y avait pas que le physique qui l'intéressait dans ce cas. La personnalité lui semblait plaisante. Suffisamment pour qu'ils deviennent de bons amis. Qu'ils entretiennent une réelle amitié.
"Et sinon, tu lisais quoi, avant mon odieuse interruption ?"
Ainsi donc l'Américain connaissait ce délicieux breuvage qui lui rappelait la maison. A part rire, il ne savait quoi répondre. Le slave ne s'était pas souvenu des vertus de l'alcool lorsqu'il en avait proposé. Augmenter l'appétit. Il se trimballait donc trop souvent avec un alcool qui pourrait lui ouvrir bien plus de bras. Ou de jambes, selon son humeur du jour. Quelques pensées bien vulgaires lui effleuraient l'esprit mais il n'était pas question de les prononcer. Il ne tenait pas à faire fuir son compagnon de jeu. Celui-là, il voulait bien le faire rester et l'intégrer à son entourage. Il était drôle. Et vif d'esprit. Odessa entrevoyait déjà les perspectives futures. Des heures d'humour douteux qui feraient pâlir Ambre. De nombreuses occasions de rire. Un ami sur lequel se reposer.
Il se retrouva avec le livre dans les mains. L'Art de la Guerre. Évidemment. Haut du classement, aucun doute possible. Il n'était pas certain des sources de son étonnement. Les Ilvermony étaient connus pour leur sérieux, même si cela lui faisait du mal de l'admettre quand il pensait à Alcyone.
Il n'était pas déçu. Loin de là. Odessa était de ces gens qui pensaient pouvoir entrevoir l'âme des gens à travers leurs lectures et leurs rapports à l'art. Alors, il s'était attendu à un livre un peu moins scolaire.Un peu moins dans le thème de leur enfermement. A part l'intelligence et le sérieux de son camarade, il ne pouvait rien en tirer de plus. Il n'avait pas besoin de cela pour le savoir. Leurs échanges lui avaient permis de comprendre que c'était un très bon joueur. Certainement un bon stratège aussi.
L'étoile enchaîna et lui confirma un côté nerd. Cultivé donc. En voilà un qui risquait bien d'être déçu s'il grattait un peu trop la surface. Le slave ne tiendrait pas la route. Il lui semblerait certainement un brin imposteur. Ne l'était-il pas après tout, cet ukrainien qui passait plus de temps à s'amuser qu'autre chose ?
De légers nuages viennent voilés les yeux nuit sombre avant de disparaitre brutalement. Pardon ? Ça, ça c'était du frontal. Du grand art. Ce qui n'était pas une interruption si importante à la base risquait bien de le devenir. Et de durer jusqu'à n'en plus pouvoir, s'il continuait à lui parler de la sorte. Et lui qui avait de base prévu de réduire le rythme pour en profiter... Il n'était pas certain de tenir encore longtemps.
"Oh, je suis très poli. J'ai toujours à coeur de savoir me faire pardonner. Je peux me montrer très appliqué." indiqua-t-il le plus sérieusement possible, visage fermé mais lueur éclatante dans les yeux, comme ces élèves qui tentent de convaincre qu'ils n'ont rien fait. Sauf qu'il s'avouerait coupable sans état d'âme. "Vos désirs sont des ordres" susurra-t-il dans un murmure, ne pouvant résister à l'envie de jouer.
La dernière provocation prononcée, il se redressa légèrement, se tenant aussi droit que possible. Main sous le menton, il semblait réfléchir à la manière de se pardonner. Oh, bien évidemment, il connaissait la meilleur manière possible mais... C'était un peu trop tôt pour de tels joueurs. Il était hors de question à ses yeux qu'ils en ressortent tous les deux avec une pointe de déception. L'abandon ne serait pas aussi facile.
Il déposa le livre, se pencha pour fouiller dans son propre sac et en sortit un carnet à la couverture rigide et au papier épais ainsi qu'un crayon dont il inspecta minutieusement la mine. Parfait.Il déposa le tout devant lui avant de porter une main vers le visage de Pollux. Il lui attrapa le menton et, d'une légère pression, lui fit tourner la tête sur le coté tout en la lui relevant, comme pour lui donner un port altier.
"Hmm... Je pourrais dessiner ton portrait comme celui d'un prince victorieux." Mais l'idée ne lui plaisait pas. Elle ne semblait pas correspondre au jeune homme. Trop prétentieux pour quelqu'un qui ne l'était pas. D'une autre pression tout aussi douce, il forçait à nouveau sa muse à lui faire face. A planter son regard dans le sien, qu'il n'aurait jamais dû quitter. "Oui, c'est beaucoup mieux. Ça serait dommage de se priver de griffonner des yeux aussi expressifs." Les doigts du slave quittaient le visage de l'autre étudiant pour récupérer le livre, qu'il lui tendit ouvert. "On pourrait même utiliser le livre, pour ne se focaliser que sur eux. Mais ça serait aussi un peu dommage de cacher d'aussi jolies lèvres."
Le rire résonna et rassura Odessa. Il ne pensait pas que Pollux était à l'image de ceux qu'il connaissait déjà dans sa délégation. Sinon, il aurait déjà ressenti qu'il dérangeait. Qu'il n'était qu'un slave insignifiant mais dont il fallait quand même se méfier. Qu'on le prenait de haut, passait encore, mais se méfier de lui... Il avait bien du mal à comprendre. Comme eux tous, il cachait des choses. Mais de là à être capable de trahir. Plutôt mourir.
Mais surtout, il se disait qu'il devrait dire plus de choses aussi ridicule. Rire était une chose agréable et celui de l'américain l'était tout particulièrement. Il n'était pas contre l'entendre plus souvent. C'était bien mieux que les cours monotone que s'infligeait Skop' avec Alcyone. C'était bien mieux que les malédictions vociférés par un corps professoral discutable.
Pollux revenait sur ses lectures et le slave se sentit un peu gêné. Il sentait bien que son silence sur l'ouvrage avait semé quelques doutes. Venait-il de passer pour un rustre qui n'espérait qu'une seule chose ? Il aurait peut-être dû modérer ses élans. Il avait été trop gourmand. Trop joueur. Il triturait ses cheveux, ne sachant trop quoi faire. Se recoiffer ? Excellent plan. Être honnête ? Une idée encore meilleure de la précédente.
Et puis les consonances familières le sortirent de ses réflexions et l'enveloppèrent dans leur familiarité réconfortante. Ce garçon était décidément plein de surprises. Beaucoup trop pour son propre bien. Cela éveillait la curiosité du slave dont les yeux semblaient brûler d'un feu ardent. Ces quelques mots prononcés dans sa langue le ramenaient à son atelier, aux côtés de son maître; l'enveloppaient de la douceur qui s'abattaient le soir sur le dortoir des Durmstrang. Cela l'aida dans le choix de la marche à suivre.
"Tes lectures m'intimident plus qu'elles ne te font passer pour un nerd prétentieux. Je me dis surtout qu'il faut un certain potentiel pour pouvoir te suivre. Tu es pleins de surprises. Tu es intéressant. Et tu me le prouves à chaque fois que tu entrouvres ces jolies lèvres" termina-t-il lui même en russe, ne pouvait résister à l'appel de cette langue dans sa bouche.
Il n'avait pas le temps de s'en vouloir pour ses paroles gênantes que le bouclé le faisait éclater de rire. Il s'était attendu à tout, sauf à cela. Odessa ne pouvait résister aux références à la culture moldue. Il en raffolait. En tant que né-moldu, c'était une partie importante de son identité. Identité qu'il avait tenté de fuir lorsqu'il avait rejoint la société sorcière durant ses jeunes années. Et lui citer ce film, parmi tant d'autres, c'était lui remémorer quelques souvenirs de son enfance. Il se souviendrait toute sa vie de la mine effarée de leur surveillante, qui n'avait pas assez de ses deux mains pour cacher leur yeux à tous devant cette silhouette dénudée. Il avait tellement ri qu'il s'essuya les yeux avant de pouvoir prononcer la moindre parole intelligible.
"Ah ma chère Rose, j'espère que tu as le Coeur de l'Océan sur toi parce que je ne veux te voir porter rien d'autre sur ton merveilleux corps." Il ne savait pourquoi, il ne put s'empêcher de rajouter quelques mots : "Né-moldu. J'aimerais me dire incollable là-dessus mais je crois que j'ai manqué trop de trucs depuis que je vous ai rejoint". Il n'était pas fier de son sang. Mais il n'en avait également pas honte. Ce n'était pas forcément quelque chose qu'il portait sur un étendard. Le monde n'avait pas forcément besoin de le savoir. Mais les choses changeaient, même sur l'Astronef. La mort de Monseigneur l'avait fait réfléchir. Il ne le crierait pas à pleins poumons au milieu de la cour centrale mais il le glissait parfois. Comme pour distiller des éléments de lui-même. De son bref passage du terre.
Il remarqua l’intérêt grandissant de l'américain et lui sourit. Il ne pouvait décemment pas refuser à qui que ce soit une discussion sur l'Art. Ou taire cette partie de sa vie passée, qu'il espérait bien reprendre normalement, une fois tout ce bordel fini.
"Apprenti artiste. Je partageais l'atelier d'un maître peintre avant de débarquer ici. Maintenant, je me contente de noircir des pages de carnets entre deux pétages de plomb. Pour éviter que mon Maître ne me botte le cul lorsque je rentre." Il éclata à nouveau en rire parce que c'est ce qui se passerait, si son niveau diminuait. Encore fallait-il qu'il se souvienne de son élève. Ce dont il doutait. Il tendit le carnet à Pollux, comme pour l'inviter à le feuilleter, si l'envie lui disait. Sur les pages, on trouvait un peu de tout. Les paysages de l'Astronef. Des études de mouvements. Les croquis des animaux vivants dans le parc et les étables. Mais aussi des portraits d'étudiants, souvent pris en catimini, pour mieux saisir les expressions.
"Mondrian est bien devenu célèbre avec des carrés de couleur. Y a sûrement un marché pour le bonhomme bâton. Ainsi donc, tu verses également dans l'Art. Laisse moi devenir..." Son regard se fixa sur le livre, toujours posé entre eux deux " Écrivain torturé, certainement d'une renommé internationale mais dont je n'ai jamais entendu parler ?" Le regard rebalaya encore une fois le jeune homme, comme pour fixer des détails qui lui auraient échappés. "Ou au vu de la grâce de tes mains, dont tu sais certainement habilement te servir, musicien ?" Chassez le naturel, il revenait au galop. Le slave ne pouvait s’empêcher de flirter.
Il sourit, pensant comprendre le sous-entendu. S'il avait encore réussi à penser que l'américain était Sang-Pur, malgré la référence à cet anthologie du cinéma moldu, il ne pouvait vraiment ne plus avoir aucun doute. Enfin, il pensait. C'était peut-être juste un sorcier avec suffisamment d'empathie pour se mettre à sa place. "Ouais, c'était chouette comme expérience" céda-t-il avec un petit sourire en coin. Mais il avait quand même le goût amer de la déception en bouche. Découvrir la magie, c'était découvrir peu de temps après qu'il n'y était pas le bienvenue.
"Admis est certainement le mot le plus approprié. Accepté, c'est... Délicat ?". Il haussa des épaules. Il n'avait pas été le plus à plaindre.
"Je suppose que c'est pareil partout où c'est mal perçu. On se démerde comme on peut. Mais soit, encore à boire ?" dit-il, en retendant la flasque. Il esquivait le sujet, loin d'être le plus joyeux. Il n'avait aucune envie de parler de sa propre expérience. Pas maintenant. Jamais.
Violoncelle, lecture de livres traitant de stratégie militaires. Le slave avait presque envie de grimacer. Puis le piano. Vraiment, l'envie de grimacer n'était pas si loin. C'était pas sa faute, l'américain n'avait pas choisi sa famille. Ou sa classe sociale. Mais quand même... Cela lui semblait à milles lieux de son enfance. Il avait envie de se mordre l'intérieur des joues. Ce n'était pas le moment de discuter politique, ou même classe social. Ce n'était pas le moment d'afficher ses couleurs. Il allait rebondir sur autre chose, c'était plus sûr.
"En autodidacte ? Mais existe-t-il quelque chose que tu ne sais pas faire ? Je suis sûr que tout atteint des sommets avec toi."
Odessa rougit en s'emparant de son carnet. Comment ça, pas son meilleur profil ? Il ne l'avait quand même pas déjà... Ah bah si. Évidemment. L'arroseur arrosé. Ça lui apprendra à dessiner les gens sans leur demander leur autorisation. C'était bien sa veine. Il aurait peut-être dû en rester aux natures mortes. C'étaient bien ça. C'était moins gênant quand ça se découvrait dans les pages de son carnet. Et en plus, ça ne venait pas le taquiner. Pas son meilleur profil ? Forcément, s'il a les yeux plongés dans un livre. Le tatouage, pas ça ? Comment ça ? Il s'était planté sur un détail ? Le slave attrapa la paire de lunettes qui trainait dans son sac avant de se les enfoncer sur l'arrête du nez. Il approcha le carnet et détailla le dessin. Il marmonnait, surtout pour lui même.
"Putain mais comment ça, je me suis trompé ? Genre pas du tout à ça. Qu'est ce que t'as dessiné encore, Champion ? De la merde. Quelle idée de dessiner d'aussi loin aussi, tu le sais bien que tu perds en précision. Art', il t'aurait flingué s'il avait vu ça putain." Puis seulement il entendit la suite de la proposition. Ah. Vraiment, quand on touchait à l'art du slave, il partait au quart de tour. Il pose le carnet sur le banc en souriant. Quelle proposition. Ça se refusait, ce genre de choses ? Il comptait bien attendre cette fameuse occasion, de pieds fermes même. Même si Pollux risquait de devoir retirer son t-shirt plusieurs fois, à différents moments parce que le slave risquait bien de passer plus de temps à détailler les détails des dessins encrés qu'à réellement profiter.
"Je crains ne pas pouvoir te retourner la pareille sur ce coup. J'ai pas grand chose à te montrer. " Hormis son corps. Mais ça, c'était peut être un peu trop direct. Et il avait décidé de lever le pied, après tout. C'était tentant. Trop tentant. "J'espère que cette occasion se présentera. J'ai bien hâte de pouvoir... Les voir dans leurs entièreté. On peut aussi négocier le dessin du prochain, si je peux choisir l'emplacement."
Vraiment bon dans les sujets que je maitrise.Sourire entendu venait orner le visage du slave. Aucun doute là dessus. Les paroles étaient bonnes, très bonnes, toujours placées avec justesse alors... Les gestes devaient l'être également. Il ne dégageait pas vraiment l'aura qu'ont les beaux parleurs. Les promesses ne semblaient pas être uniquement lancées en l'air, sans retombées. Chat, souris. Souris, chat. Le slave endossait les différents rôles selon le rythme souhaité. L'étoile lui semblait toujours prédatrice. Chasseur sachant chasser...
De la taquinerie. Oh. Évidemment. C'était... Évident ? Léger rougissement alors qu'il repoussait ses lunettes d'un doigt. Il s'était encore emballé. Ça faisait toujours sourire. C'était presque un passe-temps, à l'époque. C'était le seul sujet personnel sur lequel il partait au quart de tour. C'était le seul sujet sensible concernant sa personne. Les autres critiques, il s'en moquait comme de sa première cuite. Mais la moindre remarque sur l'un de ses dessins... C'était viscéral. C'était comme un enfant, une petite chose fragile qu'il devait protéger de la dureté du monde environnant.
Compliment qui le ramena sur ce banc. Si c'était comme cela... Il allait laisser ses lunettes avec grand plaisir. C'était toujours bon à savoir, que cela lui donnait un petit quelque chose de plus. Odessa n'avait pas totalement le temps de reprendre ses airs de joueur que l'américain bougea. Se rapprocha. Merde. Merde. Merde. Merde. Il n'était pas prêt. C'était presque pas juste. Juste une minute de plus et il aurait pu recommencer à être chill.
La veste tomba. Les bras se dévoilèrent. Fallait vraiment s'arrêter là ? C'est pas qu'il était pressé mais il était certain que le reste du corps devait être... Intéressant. Tout venait à point à qui savait attendre. Patience, un jour peut-être. Sifflement admiratif. Il avait toujours apprécié l'art du tatouage. C'était le prolongement du sien, au final. Une des voix possibles qu'il aurait pu emprunté. Souffrir pour porter la marque indélébile d'un artiste, ça, c'était du dévouement à l'Art.
"Joli. Vraiment. Il a le trait fin, c'est appréciable."