[MAHOUTOKORO] SIZERIN N°24

Paradoxe. C'est ce qu'on dit de toi, souvent. La peau couverte d'encre, le regard un peu noir parfois, la mine un peu renfrognée quand tu es plongé dans tes pensées. Décidément, la resting bitch face bien ancrée sur les traits. Pourtant, t'es souvent le premier à adresser la parole aux autres. Le premier à sourire, lois de la physique repoussées par la simple courbe que prennent tes lèvres et semble alléger l'air. Ca touche les yeux, ça illumine le visage dans un éclat d'émail, resté mystérieusement blanc malgré les clopes et les cafés enfilés. Alors, très vite, ils s'y font. L'air revêche vite oublié, vite dépassé - on s'attarde plus dessus, c'est naturel, on sait qu'il ne suffit que d'un mot ou d'un regard pour que, déjà, il disparaisse.

Y a la liesse dans les rires et la tranquillité de discussions faciles. Y a les taquineries et les clins d'oeil de connivence, envoyés juste par-dessus l'épaule, qui te donnent presque l'air insouciant parfois, comme si les problèmes du monde étaient tous bien loin. Certains murmurent, tu l'as déjà entendu, que tu sais pas vraiment pourquoi t'es là. Que t'as pas vraiment conscience de la guerre, de l'importance de l'astronef et des enjeux de ce qui se crée là - de rien de tout ça. Certains pensent que t'as juste suivi le flot, un peu naïf, pas bien méchant, un gars qui prend la vie comme ça - et si on t'a déjà dit de profiter tant que tu le peux, y avait dans la voix la nuance doucereuse d'un mépris à peine audible.

Pourtant, t'es toujours dans la moyenne ici. Plutôt un peu au-dessus qu'en-dessous, fondu dans la masse, un numéro parmi tant d'autres au coeur de la nuée. Rien de particulièrement remarquable, ni dans les lumières du top 10 ni dans celles particulières du bas du classement - celles qui se meuvent sur la peau et troublent les perception. Un peu meilleur en pratique qu'en théorie, mais on s'en fait pas pour toi. Y a tout de même des regrets, parfois, qui reprennent les mines apitoyées lues sur les visages à l'époque de Mahoutokoro, malgré un parcours scolaire très satisfaisant là-bas : "Tu pourrais être vraiment bon, si tu faisais un peu d'efforts, [...]."
Feignantise, qu'ils disent : t'apporterais juste le minimum de travail ; t'essayerais pas de faire mieux que ce qui est attendu de toi, tu chercherais pas beaucoup plus loin que les cours et les explications. "Te repose pas sur tes lauriers, ça finira par te jouer des tours," on t'a lancé un jour. En réponse, t'as juste ri - de ce rire qui s'offre, qui dégage la gorge et repousse la tête en arrière dans sa vive évasion. Le bras enlace les épaules, entraîne l'autre vers d'autres horizon.
T'as rien fait pour nier ni confirmer, rien pour changer tout ça.

Y a les regards qui, discrètement souvent, s'attardent et scrutent tes traits. Apparemment tu sais pas bien cacher tes émotions, on te lit facilement - pour peu qu'on prenne le temps d'observer, de chercher les signes. Y a eu quelques remarques amusées, parfois moqueuses, qui t'accusent de ne pas savoir mentir. Apparemment, un tic qui trahit, une touche subtile de nervosité qui affleure dans les yeux qui se détournent et reviennent sur les visages un peu plus souvent que d'ordinaire. C'est léger, souvent manqué, mais ça s'aperçoit quand même parfois.
Prévisibilité plus généralisée, presque évidente pour qui te connait, et sur laquelle on te somme de te concentrer. "Certes, c'est efficace et tu les touches presque à tous les coups comme ça, mais, bon sang ! Change tes combinaisons de sorts plus souvent, Sizerin !" Ca tient presque du réflexe pourtant, combos trouvés et retenus, devenus habitudes dont il est difficile de se défaire. Sur les lèvres, le sourire se contrit, reste livre ouvert aux pages mal camouflées.

Y a les murmures qui, dans le dos, courent, perdu dans le ressac des discussions tranquilles. Tu les connais pourtant ces bruits, tu sais ce qu'on dit de toi. Paraît qu'être informé de la manière dont on est perçu auprès des autres ça peut servir - précepte parmi tant d'autres, qu'en temps de guerre plus que tout autre on est censé suivre. Bribes rassemblées comme des tessons : apparemment certains te prêtent un air de mystère, t'as quelque chose qui intrigue parfois, Sizerin. Souvent ils savent pas trop quoi, tu crois. La dernière en date, qui amuse lorsqu'ils pensent à ton extraversion et ta personnalité parfois bruyante, chuchote que tu es spécialisé dans les missions où la discrétion et la rapidité sont de mises. A moins que ce ne soit le vol et les tours de passe-passe, comme le susurrait la précédente rumeur. Ou peut-être que tu es juste du genre vagabond ou un peu artiste, un esprit libre, ce qui expliquerait tes disparitions courante dans les temps libres. La plupart des Mahoutokoro savent, pourtant, qu'on te retrouve souvent somnolant dans un coin sous le couvert de l'or chaud d'un rayon de soleil.