love is an open door

L’astre a les mains enfoncées dans les poches. Il aurait pu ramener des fleurs, il y a vraiment réfléchi mais c’est de plus en plus complexe d’en offrir, surtout aux américaines. Au lieu de se montrer flattées et les porter à leur nez elles grincent des dents maintenant, se lamentent qu’on leur fasse le cadeau d’un être meurtri qui ne va plus que dépérir jusqu’à s’éteindre. Il aurait pu y remédier avec une fleur encore vivante, enracinée dans un joli pot décoré, sauf qu’offrir une plante en pot à quelqu’un qui n’a même plus où se loger.. Et puis, contrairement à un bouquet dont l’on peut aisément se débarrasser dans une poubelle à la fin de l’entrevue, ça suggère, nécessite même que la fille en face nous apprécie suffisamment pour la maintenir en vie. Il est venu les mains vides, donc.

Mais il a apporté son sourire et c’est souvent suffisant. Largement étiré, il affiche soleil aussi brillant, aussi brûlant que celui qui culmine dans les cieux. Foule l’herbe du stade d’un pas vif, dos droit et démarche assurée, fondant rapidement sur la proie. « Bonjour, Belgrade. » Ton chantant comme il s’approche de la belle qui s’étire, l’embrasse de ses azurs pour une fois respectueux. Aucune étincelle grivoise dans les saphirs, il n’y a que douce chaleur, il l’observe au lieu de la contempler. Sûr qu’elle est belle qu’elle porte bien son nom, avec son corps fin, sa crinière vaporeuse et son visage de poupée, sûr qu’elle aurait pu lui plaire si elle avait ce quelque chose en plus, celui qui sait le faire chavirer pour des courbes féminines. Froide beauté de la slave ne fait poindre qu’intérêt encore incertain, fragile autant qu’il est mesuré.

« Félicitations pour ta place, tu travailles tellement. » Aucune critique dans la voix, il n’ajoute rien mais n’en pense pas moins. Ne ment pas en louant son acharnement, nul n’ignore qu’elle y met plus d’ardeur que lui, peut-être même que tout Ilvermorny. Alors il secoue ses mèches dorées sans se départir du sourire charmant, lui n’a nul besoin de couronne pour jouer les prince(sse)s de l’Astronef.

Il n’est pas là pour un simple badinage toutefois, ça se voit dans la douceur, la chaleur pas tout à fait naturelles qu’il affecte, dans l’eden qui scrute attendant d’avoir toute l’attention. Déjà qu’il est bien rare de voir l’étoile s’approcher de cette capitale donc il feint d’ordinaire avoir oublié le pseudonyme. Qu’il ne la dévisage jamais qu’avec une glace toute sibérie, maintenant voici poussière d’été qu’il lui lance aux yeux, mains qu’il croise dans son dos pour qu’elle ne voit les doigts s’entortiller. Il n’oublie pas les mises en garde du matin, au contraire elles tournent dans l’esprit qui s’agite comme jamais. Enfin, petit soupir, les traits se font gênés mais toujours sûrs d’eux. « Je sais qu’on n’est pas censés parler de notre vie à l’extérieur, mais je voulais te demander.. Est-ce que tu as quelqu’un, dehors ? » S’approche un peu en posant la question, toujours avenant, feignant un embarras qu’il ne ressent pas.  

Soleil continue de briller même si ses rayons ne sont pas souhaités, seule façon de réchauffer à la longue les froides capitales il l’a déjà constaté. Imperméable à l’indifférence affichée, l’agacement même que montre la belle face à ses efforts. Il pourrait s’en aller maintenant décider que le jeu n’en vaut pas la chandelle mais justement cet investissement là vaut tout son temps. Et vélane n’est pas de ceux qui refusent un défi même s’il prend la forme d’une slave aux traits aussi peu avenants qu’ils sont délicats.

Il continue donc de sourire avec application même lorsqu’elle repousse ses politesses d’un claquement agacé, garde un regard courtois sur son visage de poupée. Pas plus bas pour une fois, l’azur ne s’aventure pas au-delà du menton, plus respectueux qu’on ne l’a encore vu sur cette île. Personne, donc. « Oh. C’est dommage, j’imagine. Moi non plus. » Il lance d’un ton joyeux qui dément les mots soi-disant compatissants, lui a toujours été ravi de sa liberté qui prendrait un jour fin de toute façon mais il imagine aisément que certains peuvent trouver la solitude lourde à traîner.

« Quel âge as-tu, pourtant ? » Demande innocente pour vérifier qu’il ne s’est pas trompé, que la première au classement pourrait bel et bien se trouver dans une situation proche de la sienne. Encombrante, embarrassante même si elle venait à s’éterniser. Triste destin qui le guette s’ils restent coincés ici encore longtemps. « Je sais que l’on n’a pas vraiment eu le temps de parler depuis notre arrivée, mais je ne pense pas qu’il soit jamais trop tard pour y remédier. » Mensonge éhonté qu’il offre d’un ton toujours chantant, tant par courtoisie que pour signifier que, non, il ne compte pas s’en aller.