Rêverie du feu : fumée (Tango)

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Elle était en plein air, dans le parc qui entourait les étables. Peut-être s’était-elle installée ici dans l’espoir de voir son oiseau préféré sortir d’une des bâtisses qui abritaient les chevaux. Ou peut-être était-ce pour profiter de ce magnifique soleil qui rayonnait depuis plusieurs jours, une chaleur qu’elle avait très peu connue avant d’arriver ici. Ou peut-être que les vapeurs qui s’échappaient de son chaudron nécessitaient un travail en extérieur. Ou peut-être que ce n’était aucune de ces raisons, ou peut-être un petit peu des trois ?

Toujours était qu’elle était là, face à son chaudron lévitant au-dessus d’un feu magique. Il y avait plusieurs sacoches autour d’elle, remplies de divers ingrédients. Dans la sacoche noire, c’était toutes les herbes séchées. Feuilles de tentaculas vénéneuses – récupérées auprès de Lancelot –, figues abyssiniennes déshydratées, basilic bleu haché… Un autre sac, un peu plus grand, contenait les herbes fraîches. Dans la pochette en cuir marron s’alignaient des dizaines de fioles hermétiquement fermées. Chacune d’entre elle contenait une essence, obtenue après distillation d’une plante ou de toute autre substance à une température comprise entre quarante et deux-cents-vingt degrés. Varsovie avait distillé elle-même une bonne partie du contenu de ces fioles pendant ces quatre dernières années, en suivant scrupuleusement les indications de son père. Elles étaient d’ailleurs toutes consignées dans un énorme grimoire, qui se trouvait ouvert devant Varsovie.

« Les potions volatiles sont particulièrement utiles lorsqu’elles sont utilisées dans des endroits confinés. Elles peuvent être utilisées en combat blablabla… Mmhh… Pour rendre une potion volatile, il faut la faire chauffer à une température de cent douze degrés, et surtout ne pas oublier d’ajouter de la poudre de Voltiflore… » La jeune fille fouillait dans une quatrième sacoche, qui contenait des bocaux remplis de poudre. Tous les contenus se ressemblaient plus ou moins, et seuls les inscriptions en cyrilliques permettaient de les identifier. « La voilà ! Bon, où j’en étais… Ah oui ! Attention de bien couvrir votre chaudron lorsque de la préparation, au risque de succomber aux effets de la potion préparée. Ouuuups, le couvercle ! » La slave s’empressa de couvrir sa potion, qui heureusement venait juste de commencer à bouillir. Pour la prochaine fois, elle devrait sûrement se procurer un masque spécial, ou à défaut une écharpe pour couvrir son nez. Après tout, ce serait dommage qu’elle se retrouve endormie ou morte de rire après avoir respiré d’un peu trop près sa préparation…

« Une fois la potion de base préparée et la température atteinte, verser en trois fois la poudre de voltiflore. Mélanger sept fois entre chaque ajout la potion, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. » La jeune fille respecta scrupuleusement toutes les étapes détaillées à la page 578. « Couvrir et laisser mijoter jusqu’à ce que la potion condense sur le couvercle. Zut, mon couvercle est opaque, j’vais pas pouvoir voir… » Varsovie commença à griffonner quelque chose sur son carnet, alignant les chiffres pour calculer le temps de condensation de sa potion. Complètement absorbée par la préparation de sa potion, la slave ne remarqua pas que quelqu’un s’était approchée derrière elle et observait avec attention ce qu’elle était en train de faire.

Varsovie sursaute quand elle entend rire juste derrière elle. Tellement absorbée dans la réalisation de sa potion qu’elle n’en n’a pas entendu arriver la sud-américaine qui se penche par-dessus son chaudron. Elle fronce les sourcils un instant, fait défiler les noms des Castelobruxos dans sa tête et est à peu près sûre d’elle quant au nom de Tango. Si les deux jeunes femmes ne s’étaient jamais vraiment adressé la parole, la slave avait vu la même passion pour les potions chez la brune qui se tenait à présent côté d’elle.

Si Varsovie est un tout petit peu surprise par le ton tout de suite familier de Tango, cela ne l’importune pas du tout. Au contraire, elle ressent chez elle une sincérité et une envie de discuter tout à fait amicales. Alors la slave étire ses lèvres en un large sourire.

« Bonjour Tango ! C’est l’appel des potions qui t’a guidé jusqu’à moi ? »  

La sud-américaine semble regarder son chaudron avec un air circonspect, comme si elle réfléchissait à quelque chose. Varsovie ne s’inquiète pas une seconde quand elle la voit sortir sa baguette et la laisse utiliser son sortilège qui a pour effet de diminuer grandement l’opacité de son couvercle. Varsovie ouvre des grands yeux admiratifs et laisse échapper une exclamation admirative. Elle farfouille dans l’une de ses sacoches pour en sortir un carnet noir, qu’elle tapote avec sa baguette en marmonnant quelque chose. Lorsqu’elle l’ouvre, la première page est aux trois-quarts remplis par des formules et leurs applications.

« T’es trop forte ! C’est quoi comme formule que t’as utilisée ? Damnum Opacitatis  ? » Elle trace la formule sur son carnet, avec une petite note dans sa langue maternelle juste à côté. « Et si on recommence, est-ce que l’opacité diminue encore ? Damnum Opacitatis ! Oh, oui, regarde, il est encore plus transparent ! Merci beaucoup, ça m’évitera de devoir trouver un nouveau couvercle ! » Et elle rajoute une nouvelle note dans son carnet, qu’elle referme prestement.

Maintenant, elle peut beaucoup mieux surveiller sa potion, qui par ailleurs ne se condense pas encore. Tout en gardant un œil sur elle, elle s’adresse à Tango avec un sourire malicieux : « Est-ce que tu veux essayer de deviner ce que je prépare ? Tiens, voilà les ingrédients que j’ai utilisé. » Et elle aligne devant la brune les poudres et autres herbes qu’elle a ajouté dans son chaudron. De la menthe poivrée, des figues séchées, une poudre d’épines de porc-épic, une infusion d’Armoise et des fèves aux reflets argentés. Elle ne prend même pas la peine de refermer le gros livre de potions qui est ouvert juste devant elles, puisque de toute façon tout y est écrit en cyrillique de la main de son père, difficilement déchiffrable pour quelqu’un n’y étant pas habitué.