Au bonheur des ogres [Sherry, Odessa, Chevalier]

Les mots n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd et Odessa ne put que répondre positivement au sourire complice qui les accompagnait. Il n’était sûrement pas le seul. La proposition était trop tentante, trop alléchante. Et puis, si la compagnie n’était pas aussi plaisante qu’espérer, cela lui permettrait au moins de refaire leur stock de chocogrenouilles, pour le prochain visionnage de nuages.

Alors cette nuit-là, il brava l’interdit du sacro-saint couvre-feu et tenta de sortir sans trop de bruits. Il espérait ne pas réveiller les autres habitants du dortoir. Il n’avait pas envie de s’éterniser à s’expliquer, à se confondre en excuses d’avoir perturber leur sommeil. Un simple « je pars rejoindre l’un des mecs de Uagadou » ne leur suffirait sans doute pas. Ou sans doute que si, l’esprit plein d’idées pour le moins intéressantes et éloignées de la vérité. Il ne voulait pas être le dernier. Le moyen arriverait au milieu, et cela serait très bien. Dans l’ordre des choses.

Il déambula dans les couloirs, baguette en main, peur au ventre. Il ne voulait pas vraiment tomber sur la dragonne, gardienne de ces lieux, en cette heure aussi tardive. Surtout pas au vu des événements récents. Il n’avait pas envie de finir au cachot. Avec sa chance, on l’y oublierait. Les couloirs étaient encore plus effrayants durant la nuit. Surtout lorsque l’on n’osait pas se guider à la lumière d’un simple lumos, de crainte d’être trop voyant.

Corail était présent, au rendez-vous. Comme prévu. Mais Odessa n’en avait jamais douté. Il ne le pensait pas capable de leur tendre un piège. Trop sincère. Trop dans sa bulle, éloigné de cette histoire de classement. C’était ce qui l’avait décidé à venir, cette nuit, dans cette cuisine. De plus, il ne remarqua même pas son entrée, tout affairé qu’il était sur cette orange. Il l’aimait bien, Corail, avec sa candeur enfantine. Avec ce semblant d’insouciance qui leur manquait parfois. Et sa gentillesse, sans distinction de délégations. L’Astronef n’aurait dû choisir que des petits gars dans son genre.

Il attrapa une pomme et s’installa à ses côtés, la baguette prête à être dégainée. Il ne se souvenait plus des personnes présentes au moment où les mots avaient jaillis. Et il craignait que certains n’en profitent pour créer du grabuge. Leur place au classement était basse mais les esprits échauffés. Si quelqu’un craignait leur remontée, ils risquaient bien de ne pas autant s’amuser que prévu.

Ses doigts se crispèrent sur sa baguette quand il entendit la porte s’ouvrir une nouvelle fois.

Bouteille agitée comme un drapeau blanc, la baguette se rangea dans le fond de la poche. Ceci ne pouvait être une déclaration de guerre. Ceci ne pouvait être qu'une invitation à une partie de plaisir, une nuit de débauche. Cela lui rappelait sa jeunesse, à parcourir les couloirs de Durmstrang durant les nuits les plus sombres pour quelques frayeurs excitantes. On avait beau prendre de l'âge, certaines choses ne changeaient pas.

Il accueillit Sherry - et sa proposition si alléchante - avec un sourire. Il termina sa pomme et fourra quelques chocogrenouilles dans sa poche. Ils allaient certainement revenir à la cuisine, il pourrait alors constituer son stock pour Minsk. Corail les quitta, peu emballé par cette histoire de space-quelque chose. C'était certainement le genre de gars shooté à la vie. Il s'était éloigné d'un pas léger, laissant seul l'anglais et le slave dans cette cuisine.

"Bon bah, toujours partant ?"

Comme si le départ de l'africain allait changer quelque chose. Comme si cela allait les stopper alors qu'ils venaient de braver la nuit pour rejoindre le lieu de rendez-vous. Alors il prit la direction de la salle de potion, espérant trouver leur bonheur. Il ne doutait pas que Sherry avait des connaissances plus que poussées dans le domaine.

Ses pas calfeutrés font peu de bruit. Il ne tenait pas spécialement à se faire attraper. Mais après tout, il valait mieux maintenant que les poches pleines de substances euphorisantes.

Pourtant, au détour d'un couloir, il dût bien malgré lui s'arrêter. Il était sûr d'avoir entendu du bruit, droit devant eux. Il fit un signe à son camarade, pour que celui-ci s'arrête également.

"T'as entendu ce bruit ?" chuchota-t-il,"Si tu l'as entendu aussi, on fait diversion en lançant des chocogrenouilles sur la droite. Ok ?"

C'était ça ou courir. Et il n'avait pas très envie de courir, surtout si ce n'était pas nécessaire.